Entretien avec Fred André, Référent Économie Circulaire chez Domofrance
Comment la réhabilitation circulaire dans le domaine de la construction génère des besoins spécifiques en matière logistique ?Entretien avec Fred André, Référent Économie Circulaire chez Domofrance
Laure Courty : Réhabilitation circulaire, réemploi, réutilisation, recyclage, upcyclage. Pouvez-vous nous éclairer ?
Fred André : Afin d’optimiser le traitement des déchets, notre priorité est d’abord de ne pas jeter. Ensuite, nous privilégions le réemploi, qui consiste à réutiliser des matériaux dans leur fonction d’origine. La réutilisation transforme les matériaux pour une nouvelle utilisation, le recyclage les passe par un processus industriel, et l’upcyclage vise à donner une valeur supérieure aux matériaux. En somme : éviter l’enfouissement.
Pouvez-vous nous donner un aperçu des raisons qui vous ont motivées à travailler sur la réhabilitation circulaire ?
Fred André : Notre engagement dans le domaine de l’économie circulaire est historique chez Domofrance mais nous n’en avions pas conscience. Mais depuis environ quatre ans, différents événements l’ont fait passer à l’échelle. La pandémie du Covid et la guerre en Ukraine ont fait exploser le coût des matériaux, ont engendré des ruptures de stocks et une baisse de la productivité. Dans ce contexte, la loi AGEC contre le gaspillage joue et jouera un rôle d’accélérateur. Sur les bâtiments supérieurs à 1000 m2, la loi impose également depuis de faire un diagnostic Produits, Equipements, Matériaux, Déchets (PEMD), qui va permettre de recenser l’ensemble des matériaux et équipements à l’intérieur d’un bâtiment en vue de leur donner une seconde vie tout en limitant l’extraction des ressources naturelles. Dans ce diagnostic, on identifie toutes les filières possibles pour revaloriser les matériaux des chantiers.
Quelles actions concrètes avez-vous entreprises chez Domofrance pour intégrer l’économie circulaire dans vos projets et quels sont vos résultats à date ?
Fred André : Chez Domofrance, avec un volume significatif d’activité, nous réhabilitons environ 1 000 logements par an et construisons entre 1 700-1 800 logements neufs annuellement (locatif social et accession sociale à la priopriété). Face à la perspective de déconstruire près de 1 500 logements et de réhabiliter près de 8 000 sur l’ensemble de notre périmètre d’activités sur la période 2021-2027, nous avons lancé des expérimentations sur les déconstructions, réhabilitations et constructions neuves. Après quatre ans, sur nos trois premières déconstructions, nos résultats montrent une revalorisation à 100% des matériaux inertes (béton, menuiseries…) et environ 70% des matériaux non-inertes non-dangereux. Au global sur les deux catégories, on atteint des taux allant entre 5 et 10% de réemploi dont les gisements ont fait l’objet de dons à des partenaires ou feront l’objet d’une intégration dans nos projets de réhabilitation et construction neuve fléchées en expérimentation.
Sur quel outil pouvez-vous vous appuyer pour optimiser la gestion circulaire des ressources ?
Fred André : Dans le cadre des projets notamment de déconstruction, nous collaborons avec la plateforme « MyUpcyclea » pour gérer la circulation des ressources. Cette plateforme facilite le diagnostic des matériaux à réaffecter, et permet aux maîtrises d’œuvre et partenaires de sélectionner les matériaux dont ils ont besoin. Certains matériaux peuvent également faire l’objet de dons. La plateforme fournit des informations détaillées. S’il est éventuellement prévu une transaction financière, celle-ci se fera en dehors de la plateforme car n’étant pas une marketplace.
Comment gérez-vous les enjeux logistiques liés à la réhabilitation circulaire ?
Fred André : Au moment où l’on déconstruit un bâtiment, les maîtrises d’œuvre et les partenaires se positionnent via le diagnostic PEMD sur un certain nombre de matériaux et équipements. L’entreprise de déconstruction se charge de préparer et mettre sur palette tout ce qui sera conservé. Puis un transporteur achemine la marchandise dans un espace de stockage parce qu’entre la déconstruction et le lancement d’un projet de construction neuve et/ou de réhabilitation, il se passe un certain temps avant la nouvelle mise en œuvre.
Chez Domofrance, nous avons un lieu de stockage sur notre patrimoine, mais il devient insuffisant et nous avons pris conscience du fait que le sujet n’est pas uniquement le stockage mais bien toute la chaîne logistique liée au réemploi ou la réutilisation en passant par le reconditionnement et/ou transformation des matériaux avant réintégration dans nos projets. Le sujet de la logistique liée aux projets avec une démarche circulaire touche bien d’autres acteurs du logement social et globalement de l’ensemble des métiers de la construction. Pour le moment, chaque maître d’ouvrage lance ses propres initiatives, il n’y a pas encore de solution opérationnelle qui fasse consensus et nous permettre de passer d’un stade d’expérimentation à la massification.
Comment voyez-vous l’évolution de l’économie circulaire et les défis qu’elle soulève dans le secteur de la construction ?
Fred André : La transition vers une économie circulaire nécessite une collaboration étroite et des efforts coordonnés de l’ensemble des partenaires de l’acte de construire. Domofrance, sous la direction de notre DG, s’engage fortement dans cette direction. Nous sommes conscients des défis logistiques et de stockage, mais nous sommes déterminés à contribuer à cette transition écologique pour un avenir plus durable. D’ailleurs, notre nouveau projet d’entreprise « VIVANT » nous encre encore un plus dans cette direction.
Pensez-vous qu’une solution logistique plus durable comme Waresito pourrait répondre à vos enjeux logistiques ?
Fred André : Nous collaborons depuis de nombreuses années avec des startups sur des projets innovants alors sur ces nouveaux besoins logistiques, nous allons regarder la solution proposée par Waresito.